jeudi 20 mai 2010

Tenter de dire l'indicible...

J'ai reçu par email ce témoignage, je le partage tel que je l'ai reçu.

Je ne pourrais prétendre à écrire un article mais je peux m'y essayer ....

Ayant travaillé durant une quinzaine d'années dans différentes structures (SIOE, Hôpital de jour ou auprès d'adultes handicapés), je pouvais être "fier" de mon métier d'éducateur spécialisé. Un réelle volonté commune d'effectuer un travail de qualité, une remise en cause ou un questionnement en équipe sur la réalité du travail effectué, des administrateurs et des directeurs ouverts et proches des équipes éducatives.
Bref, quelque chose qui semble presque du passé ....

Un déménagement, alors que j'avais dépassé la quarantaine, m'a amené à "prendre" un poste en internat avec des enfants présentant des troubles du comportement et, ou, une déficience intellectuelle dans un IME.
Je tairais le nom de l'association qui gère une dizaine d'établissement en France dont trois ou quatre dans l'ouest.

Le premier choc à été la vétusté des locaux (dortoirs d'une trentaine de lits, etc...)
Mais là ... c'est une histoire de budget, les choses ont changées...
Puis, les chocs se sont succédés (effet kiss pas cool).

-Le DIRECTEUR qui, peut-être, prenait du plaisir à insulter des membres de son équipe en réunion, en fonction de son humeur... (Il était mal venu de discuter, réfléchir sur ce qu'il venait de décréter).

-Le même DIRECTEUR qui n'hésitait pas à hurler en reprochant je ne sais quoi à un éducateur devant les jeunes (j'ai vu des collègues pleurer, devant tant de reproches bien souvent non fondés). Il y avait, en moyenne dans l'établissement, 3 personnes en arrêt longue maladie (raisons souvent professionnelles) et 3,4 ou 5 en arrêt de travail ou autre. J'ai connu, une année, sur le groupe ou je travaillais, 12 remplaçants qui sont restés de 1 journée à 30 jours.
Suite à ma demande, j'ai pu "suivre" deux personnes en formation à l'école d'éducateurs. Ils étaient de bons observateurs, avaient beaucoup de questionnements qu'ils ont dû remonter, aussi, à leurs formateurs.

-Un jeune qui est venu me voir suite à une convocation avec le DIRECTEUR (certes il avait fait une "connerie" mais ...pourquoi sommes nous là !!!) en me montrant une trace sur sa joue. Une trace de bague, pouvait on penser et... c'est ce qu'il disait. Il se trouve que le directeur avait une grosse bague...
Je tiens à préciser que j'ai aussitôt contacté les parents en signalant les faits (la trace de coup) et en les invitant à le signaler à la direction ou à porter plainte. C'était un jeudi, il rentrait chez lui le lendemain.
Je dois préciser que j'avais déjà plusieurs fois entendu des discours sur les méthodes du directeur lors de ces convocations mais... les bruits de couloirs !!
La suite de cette démarche à été qu'en réunion, le chef de sévices, nous à fait part d'un appel d'une maman se plaignant d'une claque qu'aurait reçu son fils par un éducateur. Et puis, plus rien...

Je pourrais citer beaucoup d'exemples de ce genre.
Mais je ne vais en citer plus qu'un, celui qui m'a le plus atteint et qui m'a amené à contacter la DGASS .

J'avais déjà contacté le directeur de l'association pour lui faire part de certains faits mais il m'invitait alors à en parler directement avec le (fameux) DIRECTEUR.....

Le contexte:
La synthèse d'un jeune dont j'étais le référent. J'expose la situation et, en fin de synthèse, une collègue se lâche en rappelant un évènement récent le concernant:
Le jeune s'était fait filmé quelque jours auparavant par deux autres jeunes de l'établissement. Un qui filmait et l'autre qui le frappait.
La collègue avait découvert ce film suspectant des images pornographiques que les jeunes se montraient les uns les autres.
Le jeune était suivi extérieurement par une éduc. justice ...
Je demande aussitôt (je n'étais pas au courant de ces violences) si la juge ou l'éducatrice ont été contactés et la date à laquelle les parents (des trois jeunes) sont convoqués.
Rien n'avait été prévu en ce sens ..... Il n'y avait pas vraiment de traces .....
La synthèse se terminait, je préviens le chef de service que je me charge de téléphoner tout de suite à l'éducatrice justice pour l'en informer et que je fais suivre un rapport que je lui fais lire auparavant.
Le chef de service m'invite alors dans son bureau, pour discuter et me fait part du fait que le directeur n'a pas jugé bon de faire ces démarches.
Devant mon insistance, ma conviction, allant jusqu'à lui parler d'éthique professionnelle, il me rétorque que je serai en faute professionnelle si je faisais cette démarche !
Et ...toc, en sortant de son bureau, je me dirige vers le nôtre et contacte directement l'éducatrice qui me signifie qu'elle doit en informer aussitôt le juge des enfants. Je confirme...
Ma journée était terminée, je repasse voire le chef de service qui savait que malgré son avertissement .....et, de plus, dans le fond, je savais qu'il n'en pensait pas moins.
Nous ne nous sommes rien dit, il m'a juste souhaité une bonne soirée, d'un air complice.
Le lendemain, un signalement devait partir et les parents étaient convoqués.
Le "hasard" à fait que je n'étais pas en fonction le jour de la convocation de la mère du jeune dont j'étais référent et que la maman à fait le "choix" de ne pas porter plainte.....

Je n'ai pas eu d'échos de la suite de mes démarches auprès de la DGASS.

Usé et avec un sentiment d'impuissance, j'ai donné ma démission ne supportant plus de travailler dans un lieu ou certains jeunes étaient peut-être plus en souffrance qu'a leur arrivée.

Âgé maintenant de plus de 50 ans, je ne retrouverai plus de boulot d'éducateur spécialisé et je suis en phase d'ouvrir un petit espace de détente (Sauna-Hammam) après avoir effectué une formation adaptée.

Je vous laisse réfléchir sur les difficultés à ne pas se faire piéger dans une folie institutionnelle ...


Serge LAFFONTAS


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10 commentaires:

  1. Je suis sidérée par ce témoignage... Je suis infirmière en EHPAD, où nous sommes, à juste titre, formées, informées et sans cesse appelées à réfléchir sur la "bientraitance " auprès de nos anciens. Et, dans le même temps, il est possible de laisser nos jeunes, et parmi les plus désarmés, en butte à de telles brutalités ! Et leurs éducateurs traités comme on n'oserait plus traiter son chien ! J'ose croire que ce sont des faits isolés....

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  2. Julien B.Etudiant en Education Spécialisé.

    Cela ne sert pas beaucoup actuellement et ne t'aidera pas dans ta vie futur.

    Mais sache que la nouvelle génération d'éducateur voit ce qui se passe lors leurs stages. Et que beaucoup d'entre eux décide de faire des études et des formations dans le but de prendre les postes de direction, de façon à ce que ceux ci soit plus humain. Nous reconnaissont ta souffrance. Nous espérons pouvoir changer, un jour peut être, ces méthodes honteuses et ce manque de respect cesserons.
    Bien à toi.

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  3. Content de savoir que la jeune génération d'éducateurs soit consciente de certaines réalités et qu'elle se forme en conséquence mais je reste méfiant sur les contenus et les objectifs de ces nouvelles formations (éduc, chef de service, directeurs).
    Certains termes ont changés, on parle de prestations de services, de bénéficiaires, de démarche qualité...etc.
    On pourrait presque craindre que ce qui est le plus important ce sont les écrits... ce que l’on montre du travail que l’on fait, plutôt que la qualité de la relation ou les messages que l’on fait passer au jeunes accueillis.
    Quel écart entre l’image renvoyée aux autorités et la réalité de notre travail ...
    Mais, bon, il est vrai et j’ose croire aussi , que ce que j'ai connu dans mon dernier emploi reste un fait isolé !!!

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  4. J'ai eu des expériences proches, même si les choses changent ce n'est pas forcément dans le bon sens. Je trouve les nouvelles formations trop technocratiques. Venez visiter notre blog: http://rebellion84.over-blog.com/ Merci d'avance.

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  5. Je vais y faire un p'tit tour ...

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  6. Juste un petit mot pour partager le plaisir que j'ai eu lorsque j'ai appris que le fumeux directeur avait été... comment dire??? muté et invité à avoir d'autres fonctions ....

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  7. C'est en recherchant des pistes sur ma VAE que je suis tombé sur votre témoignage...je ne suis pas étonné...et pourtant si!à l' heure où tout est financier et grand ménage, j'espère que le dit personnage aura eu une malle pour se la faire!!
    Impensable de faire avec cette espèce dans le social pour les 20ans à venir et le reste!je reste optimiste en me disant que des personnes avec plus de valeurs prendront sa place dans quelques années...et néanmoins réaliste....

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  8. Dans le témoignage une coquille révélatrice de l'ambiance: il est écrit "chef de sévice" au lieu de chef de service!

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  9. Je pense cette dernière volontaire.

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  10. Pour moi qui prépare les oraux des concours, je suis touchée par ce témoignage, je n'ai pas la prétention de faire changer les choses, mais j'espère garder ma motivation, mes espoirs, et mon idéologie... En tout cas, merci de mettre des mots (maux) sur trop de silence.....

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